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Weber, Manfred

Ce texte fait partie de « Penínsulas », la lettre d’information qu’Enric Juliana envoie tous les mardis aux abonnés de La Vanguardia. Si vous souhaitez la recevoir, inscrivez-vous ici.

« Chers amis, nous confions la réalisation de ces rêves à notre président, Max Weber ». C’est par ces mots qu’Alberto Núñez Feijóo a salué le nouveau président du Parti populaire européen, Manfred Weber, le 31 mai 2022. Voici la vidéo. C’était un lapsus. Peu habitué à la nomenclature européenne, le nouveau leader de la droite espagnole s’est embrouillé et un auteur qu’il avait sûrement étudié pendant ses études de droit lui est venu à l’esprit : l’historien et politologue allemand Max Weber, considéré comme l’un des pères de la sociologie moderne. Un an plus tard, Núñez Feijóo et Manfred Weber sont des amis proches et se soutiennent mutuellement en vue du cycle électoral très important qui s’annonce. Il n’y aurait pas de lapsus aujourd’hui.

Weber, Manfred, est un fervent partisan du Partido Popular espagnol, pour des raisons évidentes qui méritent d’être soulignées par le fait suivant : le PPE est le courant politique qui a le plus de représentants au Parlement européen (117 députés sur un total de 705), mais il ne dirige actuellement qu’un seul des M pays de l’Union européenne : la Suède, pivot historique de la Scandinavie. Le grand vide laissé par Angela Merkel n’a pas encore été comblé. Les premiers ministres de Suède, d’Autriche, de Croatie, de Grèce, d’Irlande et de Lituanie portent actuellement l’étiquette PPE, et bientôt celle de la Finlande.

La victoire de Núñez Feijóo en décembre en Espagne serait un apport précieux pour le PPE dans la perspective des élections européennes de mai 2024. Ces élections mesureront la température politique de l’UE au lendemain de l’épidémie et du début de la guerre en Ukraine. L’Europe a peur et quand elle a peur, elle recule. Je pense que nous sommes d’accord sur ce point. La péninsule européenne craint l’effondrement de la prospérité accumulée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale comme frein au modèle soviétique. Regardons la carte et n’oublions jamais que l’Europe est une péninsule, une péninsule aux proportions remarquables, riche et très peuplée, prolongement physique du grand plateau continental eurasiatique dans l’océan Atlantique. Pendant des siècles, cette péninsule aux températures supportables a été le centre du monde.

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La peur règne en Europe, et lors des élections de mai 2024, les forces populistes aux accents nationalistes, réfractaires à une telle accumulation d’incertitudes, pourraient prendre de l’ampleur. L’année dernière, cela a été le cas en Hongrie, en Italie, en Finlande et en Suède. Aux Pays-Bas, une formation agraire jusqu’ici minoritaire vient de balayer les libéraux aux élections provinciales. Weber, conservateur bavarois, partisan d’une ligne dure, frustré de ne pas avoir obtenu la présidence de la Commission européenne en 2019, scrute l’horizon, voit venir la vague et s’emploie à élargir les frontières du Parti populaire européen vers la droite.

Il a en ligne de mire les Frères d’Italie, la formation post-fasciste qui dirige le gouvernement italien depuis septembre dernier et qui cherche à obtenir une plus grande homologation démocratique. Au Parlement européen, les Frères d’Italie font partie du groupe conservateur, dirigé par les nationalistes polonais du parti Droit et Justice. Vox est également membre du même groupe conservateur. Meloni est un fan, car son ambition est d’occuper un large espace politique lorsque le magnat Silvio Berlusconi, gravement malade, sera définitivement hors d’état de nuire et que le parti qu’il a fondé, Forza Italia (membre du PPE), aujourd’hui minoritaire, deviendra une coquille vide à la dérive. Dans les années 1990, Berlusconi voulait combler le vide laissé par la Démocratie chrétienne. Trente ans plus tard, Meloni et son parti d’anciens nostalgiques du fascisme veulent combler le vide laissé par Berlusconi.

Je pense qu’avec ces données, nous pouvons mieux voir la carte que Weber, Manfred, a en tête. L’Espagne serait à nouveau gouvernée par le PP, avec le soutien de Vox, un parti à son tour sous la tutelle des Frères d’Italie, qui établirait une alliance spéciale avec le PPE. Et en Grèce, continuité pour la Nouvelle Démocratie, si Kiriakos Mitsotakis parvient à remporter une élection qui s’annonce difficile le 21 mai. Après avoir progressé en Scandinavie grâce à des accords avec l’extrême droite en Suède et en Finlande, le PPE prendrait le contrôle de l’Europe du Sud, en attendant de voir comment se résoudra la succession d’Emmanuel Macron en France, qui par mandat constitutionnel ne pourra pas aspirer à un troisième mandat. Pendant ce temps, la coalition CDU-CSU remonte dans les sondages en Allemagne. Voilà la carte.

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Pedro Sánchez et Ursula Von der Leyen, en juin dernier.

Àlex Garcia

Weber a un plan. Et Ursula von der Leyen en a un autre. Tous deux sont des conservateurs. Elle appartient à la CDU allemande et lui à la CSU bavaroise, toujours plus à droite. On dit qu’il est très amer d’avoir été rejeté en tant que candidat du peuple à la présidence de la Commission en 2019. Il était le candidat officiel du PPE et a perdu. Macron et Pedro Sánchez ont uni leurs forces pour le rejeter. Les socialistes et les libéraux ont accepté que Von der Leyen succède à Jean-Claude Junker. Ce passage explique beaucoup de choses. Mais il y a encore une chose à garder à l’esprit. L’actuel président de la Commission est né à Bruxelles en 1958, fille d’un homme politique allemand, Ernst Albrecht, qui a travaillé dans les institutions européennes pendant seize ans. On peut dire que son sang est imprégné d’un européanisme plus bruxellois.

En ces temps difficiles, von der Leyen semble vouloir suivre les traces de Jacques Delors. Il travaille à sa réélection et veut regagner le soutien des sociaux-démocrates et des libéraux. Cela explique en partie sa bienveillance à l’égard de l’actuel gouvernement espagnol, constamment harcelé par Weber. Mais il ne s’agit pas seulement de sympathie personnelle. Le correspondant de La Vanguardia à Bruxelles, Beatriz Navarro, une excellente journaliste très au fait de ce qui se passe dans la capitale européenne, a publié dimanche dernier un bon reportage sur l’évolution de la candidature de Mme Von der Leyen à la réélection. Lisez-le.

Carte Weber. Carte Von der Leyen. Il est clair que les élections européennes de mai 2024 seront très importantes. Il est également évident que le cycle électoral espagnol qui commence s’inscrit dans un processus historique beaucoup plus vaste et incertain. La question s’appelle l’Europe, la péninsule européenne.

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La péninsule indochinoise

Couverture de

Couverture de « Une sortie honorable ».

Tusquets

Éric Vuillard est un écrivain français astucieux qui a compris la valeur de la brièveté dans un monde… où la capacité d’attention des lecteurs, captée par l’écran mobile, est en baisse. Il existe des études neurologiques à ce sujet. Nous perdons la capacité de concentration nécessaire à la lecture d’un livre après avoir habitué le cerveau au rythme syncopé des réseaux sociaux. Nous sommes en train de muter. Vuillard est bref et intense. Très intense. Ses livres ne font pas plus de deux cents pages, mais ils captent l’attention de manière prodigieuse. Il ne résume pas. Il condense, il presse. Il est capable de choisir un moment historique – la prise de la Bastille, le soutien économique des grandes entreprises allemandes à Hitler, le soulèvement des paysans pauvres du sud de l’Allemagne en 1524 – et d’en extraire une essence qui communique avec le présent. Son dernier livre s’intitule Une sortie honorable et raconte la défaite française dans la guerre d’Indochine, prélude à la guerre du Viêt Nam.

La France a d’abord perdu le Nord-Vietnam (1954) et, près de vingt ans plus tard, les États-Unis ont dû abandonner le Sud-Vietnam (1973), avec l’évacuation honteuse de Saigon. En trente ans, quatre millions de tonnes de bombes sont tombées sur le Viêt Nam, soit plus que ce qui a été largué pendant la Seconde Guerre mondiale par toutes les puissances alliées réunies sur tous les fronts. Une sortie honorable se concentre sur la bataille de Dien Bien Phu, un désastre militaire français causé par une mauvaise décision géographique. Ils ont décidé de fortifier une vallée trop éloignée des centres de ravitaillement et hors du rayon de navigation des avions de chasse. La tactique du hérisson a échoué.

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