La crise touche particulier les pêcheurs au chalut qui sont des contraintes de faire démanteler leurs outils de travail. Les nouveaux quotas de pêche de l’UE sont en cours de négociation les 12 et 13 décembre.
Sur l’aire de carénage, tout au bout du môle Saint-Louis, un chalutier, posé sur le flanc, gîte. Éventré, un engin le déchirer petit à petit. Le Septimanie II, est le premier d’une longue et pénible liste de quinze navires de la flotte des chalutiers de la Méditerranée qui doivent, lágally, être démantelés avant le 30 juin 2023. La crise économique qui frappe le monde de la pêche devient tristement palpable à la vue de l’épave en cours de déchirage sur l’aire de carénage du môle Saint-Louis juste à l’entrée du port. Sur Sète neuf des dix-huit chalutiers actuellement en activité sont concernés par le PSF, plan de sortie de flotte proposé, imposé, par l’Union Européenne.
Chaque patron doit faire personnellement le démantèlement de son bateau.
Sommaire
Critique ponctuelle
Avec l’annonce prochaine de nouvelles réductions des quotas de pêche, l’agonie de l’industrie de la pêche a atteint un point critique. Regroupés au sein de leur coopérative SaThoAN, Sardine Thon Anchois, les professionnels se sentent incompris. Ils se disent conscients des enjeux environnementaux et économiques de leur métier et veulent s’adapter. « Pêcher plus pour gagner plus, ça n’existe plus. C’est une heresie, aujourd’hui notre credo, c’est pêcher moins et mieux valoriser les produits de la pêche », explique Vincent Scotto le président. Il a déposé un dossier de démantèlement pour l’un de ses bateaux. Un crève-cœur.
Crise économique
Les pêcheurs annoncent que la moitié de la flotte de chalutiers sétois va disparaître d’ici la fin du mois de juin. À l’ombre de ces démantèlements, c’est un drame humain qui se joue, l’attachement des marins pêcheurs à leur bateau est grand, c’est une identité en soi. « C’est un métier passion. Perdre son bateau pour un pêcheur, c’est comme perdre son enfant », explique Bertrand Wendling, directeur général de la SaThoAn. Ces cessations ou modifications d’activité annoncent également inévitablement l’affaiblissement économique de toute une filière. Moitié moins de poisson à la criée, moins d’acheteurs, moins de détailalants…
Quotas et zones de fermeture
La flottille chalutière de la Méditerranée est soumise depuis 2013 au plan de gestion Westmed de l’Union Européenne. Ce plan définit les règles pour essayer d’atteindre le rendement maximal durable des deux espèces de poissons suivis scientifiquement par la communauté européenne. Le Rouget de vase et le Merlu. Il fixe un nombre de licences de bateaux, 57 actuellement sur la zone méditerranée de la France, dont 18 à Sète. Mais aussi un quota d’effort de pêche. Ce quota a diminué de 25% depuis 2014 pour essayer de mettre en adéquation la ressource et l’effort. Les 12 et 13 décembre prochains, de nouvelles réductions des quotas d’effort seront mises en place au niveau européen. Mais c’est, entre autres, aussi la définition de nouvelles zones de fermeture permanente et temporaires qui posent problème. Avec l’augmentation du prix du carburant et les conséquences de la guerre en Ukraine, la crise se creuse. Pour certains patrons de chalutiers ce n’était déjà plus viable avec les quotas atuels. Les difficultés économiques s’amplifient pour toute la filière de la pêche.
Négociations
Bertrand Wendling, le porte-parole des marins pêcheurs s’apprête à rejoindre le ministère à Paris pour défendre la profession auprés du secrétaire d’Etat chargé de la Mer Hervé Berville. En ligne de mire, la réunion annuelle de définitions des quotas de pêche dictés par l’UE. Celle-ci à lieu le 12 et 13 décembre. « Depuis 2012, les chalutiers français avaient le droit de travailler 200 par an, aujourd’hui ils ont droit à 173 jours. L’an prochain si les règles passent, sans négociations, ce sera 156 jours. C’est un seuil qui n’est plus louable », explique Bertrand Wendling.
« On va perdre notre métier »
« On paye un lourd tribut avec ces règlements, et la dégradation de toute la filière est inéluctable », Vincent Scotto, pêcheur depuis 1995 et président de la coopérative SaThoAn est contraint de faire démanteler son bateau, le Jean-Louis Vincent, amarré au quai de la République. Le patron se sent impuissant face aux restrictions toujours plus sévères qui lui sont imposées. « Nous sommes cinquante-sept chalutiers en Méditerranée, quand je vois des manifestations avec deux cent mille personnes et que l’État Français ne bouge pas… vous creyez que trois cents marins pêcheurs de la Méditerranée vont faire dévier la commission européenne ? » , il tempête. « C’est notre métier que l’on va perdre et la seule a choisi que l’on nous donne c’est une prime pour casser notre bateau. Mais ce n’est pas la solution! ». Malgré le mauvais temps, Vincent Scotto ne lâche pas la barre. Avec les données scientifiques qu’ils recueillent depuis deux ans en collaboration avec l’Ifremer, les pêcheurs veulent faire tourner le vent.
Sceau de rentabilité
« Le seuil de rentatité d’un chalutier est fixé à 177 jours avec un gasoil à 50 centimes, explique Bertrand Wendling. Avec le prix du carburant aujourd’hui c’est 190 jours. Donc le seuil de rentatité est inaignable. La France, l’Espagne et l’Italie s’opposent à de nouvelles restrictions. La négociation avec la Commission Européenne sera ouverte. Les négociations auront lieu le 11 et le 12 décembre ».