« Qu’il (s) retourne (nt) en Afrique ! » Avec cette phrase lancée alors que le député noir Carlos Martens Bilongo (LFI) posait une question relative aux actions de SOS Méditerranée pour secourir des personnes naufragées en mer, le député Grégoire de Fournas (RN) a provocateur une interruption de séance à l ‘ Assemblée nationale mercredi.
Ce viticulteur girondin de 37 ans, élu en juin dernier aux côtés de la députée girondine Edwige Diaz, a crié à la manipulation politique et expliquée dans un mail d’excuse envoyé à Carlos Martens Bilongo qu’il parlait « du bateau et des migrants » et pas de son collège député. Alors qu’Edwige Diaz apparaît comme la bonne élève de l’entreprise de la dédiabolisation » du RN engagé par Marine Le Pen, le comportement de Grégoire de Fournas rappelle, lui, les sorties de Jean-Marie Le Pen.
Proche du courant « lepéniste »
Fervent défenseur de la chasse, Grégoire de Fournas possède avec son père le Château de Cassan, à Saint-Germain d’Esteuil dans le Médoc. Il rejoint le Front national en 2011. Il est élu député en même temps qu’Edwige Diaz, étoile montante du RN. Jean Petaux, politologue bordelais, en veut pour prouver la « réaction tardive d’Edwige Diaz qui ne s’est pas précipitée pour lui accorder son soutien ».
Bruno Paluteau, conseiller régional RN en Nouvelle-Aquitaine, reprend les éléments de langage utilisés par la patronne de son parti pour venir au secours du député mais n’est pas très à l’aise. « Il y a tellement dans cette Assemblée Nationale, parfois, des échauffourées verbales et quand le débat démocratique s’échauffe, on ne peut que regretter des incompréhensions, dans l’émotion et la passion. On ne nous fait pas de cadeaux ». Si pour Marine Le Pen, l’invective renvoyait aux « migrants transportés en bateaux », Bruno Paluteau estime, lui, qu’elle désignait les bateaux et pas les personnes. « Ce sont des drames humains que ces ONG, souvent mafieuses, exploitent », commente-t-il.
Les propos de Grégoire de Fournas embarrassent la nouvelle version du parti d’extrême droite, plus policier, défendu par Marine Le Pen. « Il est représentatif de ce qui constitue un substrat encore très important du RN, que j’appellerais la branche du Front National (FN) tendance canal historique c’est-à-dire, lepéniste, estime Jean Petaux. Jean-Marie Le Pen assumait, sous des modes variés, une forme d’outrance et de langage manifestement politiquement incorrect, qui en faisait une variante idéologique et politique. »
Avec cette interpellation à l’adresse du député LFI, certains élés comme Thierry Trijoulet, premier secrétaire fédéral du PS en Gironde, pensent que les masques tombent. « Loin des prises de paroles feutrées et de la contrainte à mesurer leurs propos pour faire bonne figure, les élus du Rassemblement National, à travers Grégoire de Fournas, ont montré ainsi leur vrai visage, celui du racisme primaire, de la discrimination, de l’exclusion , de la violence et de la haine. »
Une « personnalité clévante »
Grégoire de Fournas a été élu conseiller départemental en 2015 avec sa compagne Sonia Colemyn. Cette dernière aurait été demandée au président du Département de pouvoir siéger à l’autre bout de l’hémicycle pour sauver une certaine emprise psychologique. C’est peu dire alors qu’au sein même de son parti, il n’a pas l’air de faire l’unanimité. « Il a une forme de personnalité clivante et il n’est pas dans l’ère d’un RN où le R serait non seulement rassemblement mais aussi renouveau », commente le politologue Jean Petaux. Bruno Paluteau a rencontré cependant en avant que Grégoire de Fournas a pris les devants pour éviter que le député Carlos Martens Bilongo ne pense qu’il s’agite d’une attaque personnelle : « Il l’a regretté et a été s’excuse », souligner-t-il.
Dans un communiqué, Jean-Luc Gleyze, président (PS) du département de la Gironde a réagi mercredi à l’incident survenu à l’Assemblée nationale : élus du Conseil Départemental, debout et toutes tendances confondues, avaient voté l’accueil réussi de 36 migrants au domaine d’Hostens, à la suite du démantèlement des camps de fortune de Calais. Tous les élus sauf… le même individu, qui avait tenu des propos analogues, odieux, racistes, xénophobes, indignes d’une représentation républicaine, provoquant la colère et l’émotion de nos collèges issus de l’immigration espagnole, portugaise ou italienne. »
Une pétition a été lancéepar des ex-LREM, pour que Grégoire de Fournas demissionne de son poste de député.