Construit par le général Boulanger en 1886 sur un site de surveillance hautement stratégique de la zone transfrontale, cet espace non classé de 7000 m² a été abandonné. Propriété de la ville de Port-Vendres, sa gestion vient d’être attribuée à un passionné du patrimoine pour le valoriser. Mieux encore, en collaboration avec un scientifique expert, il deviendra un observatoire de la nature et de l’espace pour le projet ONE.
La prudence est de rigueur sur la route étroite qui mène sur les hauteurs de Port-Vendres. À l’arrivée, le panorama est à couper le souffle ! Le fort nommé Batterie 500, situé sur le flanc sud de la montée vers Madeloc, en plein sur l’itinéraire du GR 10, retrouvé peu à peu de sa prestance. Squatté, attaqué par la végétation, ce site est étonnant, et offre diverses entités dont une tour et trois salles voûtées, récemment nettoyées et bien conservées, dont une à l’acoustique fabuleuse.
La vue du Fort est incroyable et surtout transfrontalière !
Une restauration est menée par un Port-vendrais d’adoption Stéphane Plaquin, passionné par le patrimoine militaire. À 53 ans, cet agent immobilier, qui possède un statut militaire par ses engagements dans la mission réserviste citoyen, a très vite cerné le potentiel de ce fort. Il est parvenu à séduire facilement la municipalité par son projet de sauvegarde, qui s’est traduit par la signature d’un emphytéotique de 50 ans.

Le projet ONE est le fruit d’une collaboration tripartite entre la Ville, la société de réhabilitation du Fort de Stéphane Plaquin (au centre du cliché) et Elisabeth Blanc-Cassagne, scientifique internationale.
Stéphane Plaquin a déjà sécurisé le lieu et rénové la tour sur ses fonds propres (5 000 euros), en attendant le retour des divers dossiers de subventions. Parallèlement, il tente de fédérer pour animer le Fort : « On peut imaginer des tas d’animations, notamment une halte et un accueil sympa pour les randonneurs du GR 10. Le site n’étant pas classé, il peut donc être ouvert au tourisme Cet espace est un lieu d’observation unique, génial pour sensibiliser le grand public et les jeunes à la nature ».
Naissance du projet ONE
Et puis, il y a eu cette rencontre entre Stéphane Plaquin et Elisabeth Blanc-Cassagne, scientifique de renom (directrice de recherche émérite au CEA, chercheuse associée à l’université de Versailles), organisatrice du colloque environnement-climat (anciennement à Collioure et maintenant à Port -Vendres). « Favoriser la rencontre d’un large public et des scientifiques dans un échange direct et simplifié est notre fil rouge pour ce 5e colloque de juin prochain, rebaptisé Mare Nostrum, environnement-climat. Notre ambition est d’aller au-delà de la simple constatation scientifique, d’initier des propositions de solutions en matière d’adaptation aux changements et réchâements climatiques », résume le coordonnateur Jean-Martin Garraud.

Elisabeth Blanc-Cassagne, qui a récemment reçu le prix LAMB, pour ces travaux de recherche dans l’atmosphère moyenne, portant sur les perturbations du sol à la ionosphère, et le développement d’un nouveau concept pour caractériser les déchargements en altitude, utile à la surveillance spatiale. Elle porte le projet ONE et le colloque de Port-Vendres.
Ainsi, ce site d’exception non pollué a séduit les ingénieurs-chercheurs qui ont répondu à l’invitation d’Elisabeth Blanc-Cassagne : « Les experts du Commissariat à l’énergie atomique, du laboratoire astroparticule vont donc installer un capteur gamma, suivi par une unité mixte de recherche (CNRS, CEA, CNES, IN2P3, et l’Observatoire de Paris).Ce rayonnement Gamma, permet l’étude des orages et des phénomènes de haute énergie notamment, pour obtenir des mesures qui entrent dans un projet international.Je précise que ces capteurs d’atmosphère sont relativement discrets dans l’environnement et sont sans risque ». À noter que l’observatoire océanologique de Banyuls est aussi dans la boucle.
Rappelons que le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), est un acteur majeur de la recherche, au service de l’État de l’économie et des citoyens, en apportant des solutions concrètes dans différents domaines.
Qui est Elisabeth Blanc-Cassagne, cette Pyrénéenne fascinée par les orages depuis l’enfance ?
Avec 44 ans de carrière scientifique au commissariat à l’énergie atomique, Elisabeth Blanc-Cassagne ne compte plus les récompenses qui ont motivé ses engagements. Décorée de la Légion d’honneur le 6 juin 2021, elle a reçu le 18 octobre 2022, le prix LAMB pour ses travaux de la Défense nationale decerné par l’Académie des sciences (une première pour une femme depuis 50 ans!).

Les scientifiques du Comité à l’énergie atomique (CEA) vont installer les capteurs à proximité, sans pour autant dénaturer la beauté du site.
Son obsession ce sont les orages et leurs mécanismes, la retraite toujours en activité se souvient : « Enfant, je pose des questions sans arrêt, et concernant les orages on ne saviat pas me réponder.
Du coup, je me suis dit que j’allais chercher et trouver des ». Élève brillante, elle entre à l’université des sciences Paul Sabatier de Toulouse et répond découvre l’astrophysique : « Le champ des connaissances était immense, observer la terre par des réseaux de surveillance et des équipes disséminées dans le monde entier, c’était parfait. Je tenais toutefois à être multidisciplinaire pour m’ouvrir sur les possibles. L’atmosphère et l’espace me fascinent ». Une persévérance qui débouche sur des découvertes fondamentales : « Les relevés de mesures permettent d’affirmer que toutes les sources de perturbation de l’atmosphère se trouvent au niveau du sol. C’est ainsi que j’ai trouvé des sprites, pour faire simple ce sont des éclairs qui partent vers le haut et dont les décharges intriguent. Les échelles des phénomènes naturels sont colossales ».

Le fort futur observatoire, se trouve sur le sentier de Grande randonnée, qui traverse les Pyrénées (GR10), il devrait être animé dès l’été prochain.
Reconnue à l’international pour ses recherches, et le constat de changements qui inquiètent, Elisabeth Blanc-Cassagne reste optimiste : « Bien sûr c’est la faute de l’homme si on en est là. Il faut absolument limiter les émissions de CO2 de façon à contrôler l’augmentation des températures sur terre. On doit sadapter écologiquement et sociologiquement. On ne pourra pas modifier le climat, mais on peut freiner certains phénomènes par nos actions collectives. Le rôle des scientifiques c’est de fournir de la connaissance , à partir de là on passe à l’action à travers une anticipation précise »
De tout cela, il en sera question lors du 5e colloque Maré Nostrum de Port-Vendres en juin prochain qui suivra un fil rouge d’actualité « Méditerranée-environnement-climat ».