Ils sont convaincus que le changement de société est possible. La campagne décevante a renforcé leurs attentes. De deux lunes de premier tour, huit lecteurs et électeurs ont débattu de leurs priorités. Invités ce lundi 14 février par Midi Libre, ils ont présenté un programme sans ambiguïté : engagements respectés, solutions concrètes, ambition collective et enthousiasme ! Des mesures simples adoptées en même temps. Témoignages.
Huit lecteurs et des questions précises, ciselées, destinées au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, invité lundi 14 février d’un Face aux lecteurs exceptionnel à Midi libre. Ils envisagent d’évoquer les questions de sécurité, d’incivilités, d’immigration, du droit des femmes, de religion, des quartiers et des « territoires perdus de la République »…
L’actualité locale a rattrapé le ministre qui a mis fin à son déplacement dans l’Hérault pour se rendre hier matin à Saint-Laurent-de-la-Salanque où une explosion a fait 7 morts. Ils n’ont pas eu ces échanges avec Gérald Darmanin mais ont accepté de débattre entre eux plus d’une heure sur les sujets qu’ils avaient retenus, saisissant l’occasion d’interpeller les candidats à la présidentielle.
Autour de la table : Béatrice Bertrand directrice du CIDFF du Gard (Centre d’information sur les droits des femmes et des familles) ; Marion Antrope, née à Sciences Po Montpellier ; Hamza Aarab, président de Montpellier Méditerranée Futsal, membre de l’association Justice pour Petit-Bard ; René Revol, maire de Grabels ; Dominique Larruy, employé d’une collection située à Alès ; Abdelkader El Marraki, docteur en biologie médicale et gérant du Labo Sud à La Paillade à Montpellier ; Rachid Khallaki, mécanicien de tramway à Tam à Montpellier et Abdelali Larhrissi, est responsable sanction territoriale chez Oxance à Nîmes.
Sécurité : la délinquance, « c’est la faute à la précarité »
Nos lecteurs ont longuement débattu sur les différentes formes de la délinquance : de la violence faite aux femmes en augmentation « qui mériterait un ministère de plein droit et une dotation d’un milliard d’euros par an », selon Béatrice Bertrand, directrice du CIDFF du Gard.
De cette violence quotidienne devenue plus saillante après la crise du Covid-19, comme l’a constaté le mécanicien tramway à la Tam, à Montpellier, Rachid Khallaki. Lequel estime que la difficultéé de voir cohabiter dans un même espace les voitures, les bus, les vélos et autres trottinettes est un symbole de ce vivre ensemble qui fait tant défaut.
« La répression, bien sûr, mais elle ne résoudra pas le problème », assure Abdelkader El Marraki, docteur en biologie médicale. Dominique Larruy vit à proximité d’un point de deal à Alès et demande une augmentation des effectifs de police : « Je ne les aime pas plus que ça mais je voudrais juste pouvoir rentrer tranquillement chez moi », assure-t-elle.
Pour l’étudiante en Sciences politiques, Marion Antrope, « il faut régler le problème à la source et porter un autre regard sur les délinquants ». Selon elle, la misère « et la précarité » sont à l’origine de cette délinquance. L’assemblée acquiesce, en particulier Hamza Aarab, pilier de l’association Justice pour le Petit-Bard, qui ne sait que trop bien commenter les quartiers sont stigmatisés sur ce sujet. « Alors que l’insécurité s’est déplacée dans le centre-ville », conclut Rachid Khallaki.
Quartiers : « La question est absente des débats »
Interrogé sur la présence du sujet des quartiers dans la campagne électorale, à deux mois du premier tour de la présidentielle, Hamza Araab, enseignant vacataire à l’université Paul-Valéry, estime que « la question des quartiers est complètement absente du débat public. On parle des quartiers, soit sur le côté sécuritaire, soit sur le côté humanitaire : « Viens, on va leur apporter des patates ». À aucun moment, le quartier n’est considéré comme une polité politique, on ne pense pas le quartier comme sur pense l’écologie, l’égalité hommes-femmes, etc. »
Et de souligner, pour illustrer son propos : « Prenez la politique de la ville. Les dispositifs existants depuis les années 1980, et en 1990, un ministère a été créé pour la politique de la ville, un ministère sans budget. C’est le seul ministère sans budget, il pioche dans la cohésion sociale, dans la culture, aux sports, etc. On a créé ce ministère il y a plus de trente ans pour répondre à un malaise dans les quartiers, mais on ne fait pas le bilan, on ne remet pas en cause ces différents dispositifs, pour voir s’il faut les repenser. De même, on n’a pas fait de bilan sur l’Agence de rénovation urbaine, l’Anru. Et on veut entendre les candidats sur ces sujets , sur la politique de la ville, l’Anru, la jeunesse complètement délaissée dans ces quartiers. »
Une mesure de portier en priorité ? « Il faut repenser la manière de mettre en place la rénovation urbaine. Il faut mettre en place des commissions trilatérales avec des représentants de l’État, de la mairie et des représentants des habitants des quartiers qui doivent avoir leur mot à dire. Pour faire en sorte que la rénovation urbaine tire ces quartiers vers le haut et profite à ses habitants. »
Abdelali Larhrissi, responsive santé chez Oxance à Nîmes, évoque, lui, dans « les quartiers sensibles », la « difficulté d’y maintenir l’accès aux soins. Parce que les habitants sont heureux de pouvoir bénéficier de ce soutien en santé, mais Social aussi. Et ils ont peur qu’on perde ça, à cause des difficultés à recruter des professionnels de santé, à maintenir les équipes sur le long terme, par l’atmosphère qui peut parfois régner, même si nous, nous sommes relativement épargnés par rapport à tout ce qu’il se passe autour. » Et de se demander si les candidats à la présidentielle sont « suffisamment proches du terrain pour apporter des solutions aux questions que l’on pose et aux problèmes que l’on relève ».
René Revol, maire de Grabels, rappelle que, dans sa commune, plus particulièrement dans le quartier de La Valsière, c’est « essentiellement de problèmes de pouvoir d’achat » dont il parle ses administrés. Et de regretter également que « les décisions tombent d’en haut. La discussion avec les habitants pour qu’ils participent à la réhabilitation de leur quartier, elle n’est jamais vue. Les gens ne sont pas représentés, on les invite juste à une réunion pour les informateurs de ce qui va être fait, déplore-t-il. Alors qu’il faudrait prendre le problème en amont et les insérer à la construction du programme lui-même. » Et d’ajouter : « Il ne suffit pas de réhabiliter les bâtiments. Il faut aussi chasser les marchands de sommeil. » « Les candidats et les politiques en général parlent des quartiers, mais ils ne parlent pas aux quartiers », déplore en guise de conclusion Hamza Aarab.
Politique : « Bien sûr qu’il faut aller voter à la présidentielle »
Vont-ils aller voter ces lecteurs les 10 et 24 avril prochains ? Abdelali Larhrissi s’interroge : « At-on les bons dirigeants ? Sont-ils dans le concret de nos préoccupations ? » Lui ira voter car il se dit « positif », mais Dominique Larruy, prévient : « Je passe une mauvaise période, j’ai un quotidien invivable, je ne crois pas que j’irais voter, les candidats ne me motivent pas, que nous vend-ils ? »
Béatrice Bertand intervient : « Bien sûr qu’il faut aller voter, exhorte-t-elle. On s’est battus pour cela, en particulier pour le droit de vote des femmes. Les politiques doivent nous écouter », et cela passe par un bulletin de vote dans une urne le 10 avril prochain.
Hamza Aarab travaille, œuvre dans le sport et les quartiers à Montpellier ; il enseigne, c’est son métier et aimerait pouvoir voter « pour construire tous ensemble un projet, car si on veut un changement, il y aura un changement ». Mais il n’a pas la nationalité française.
De fait, c’est un devoir pour Abdelkader El Marraki arrivé en France avec la nationalité marocaine. Devenu Français, il dit « voir comment certains candidats poussent sur les sujets sur l’immigration et l’identité », et le poids de cet électorat l’interpelle.
René Revol estime que les sondages surestiment les scores présumés de l’extrême droite même s’il ne conteste pas sa progression : « Ils n’ont qu’une ambition, c’est de trouver un bouc émissaire pour expliquer le malheur des gens. » Un bouc émissaire tout trouvé dans l’étranger ou l’immigré. Pour l’élu, « ils vendent de la désillusion ce qui a engendré de l’abstention ».
Marion Antrope, étudiante, propose une « reconnaissance du vote blanc », qui vous permettra d’entrer en résonance avec les candidats.