Pour Tutatis’, Lewis Trondheim a créé un grand album d’Astérix sans Astérix !

La parodie, quand elle est intelligente, peut être la meilleure forme d’hommage. Il s’agit ici d’un hommage sincère, authentique et rafraîchissant. Lewis Trondheim est l’un des auteurs de bande dessinée les plus intelligents du moment. Il l’a démontré dans ses albums solo (Mes circonstances, Inoccupé, Monsieur O, Ralph Azham) ou en collaboration (Le Donjon, Les pavots d’Irak). Cependant, réaliser une parodie d’Astérix est un véritable défi. Avec la publication de Par Tutatis ! (Astiberri) Trondheim, non seulement s’en sort bien, mais signe l’un des meilleurs albums d’Astérix depuis le décès du scénariste René Goscinny, co-créateur de la série avec Albert Uderzo.

Ce n’est pas un album d’Astérix. C’est un album mettant en scène Lapinot, un lapin aux longues oreilles et aux pieds immenses, qui s’est fait connaître dans le premier album de Lewis Trondheim en 1992, un tome de 500 pages en noir et blanc intitulé Lapinot et les carottes de Patagonie. Depuis, l’auteur n’a jamais complètement abandonné le personnage malgré des projets très différents. L’une des caractéristiques de la série Lapinot est que les personnages sont toujours des animaux anthropomorphes, dans le style de ses admirateurs Floyd Gottfredson ou Walt Disney. Une autre particularité est que chaque album peut changer l’époque à laquelle il se déroule ou la personnalité du personnage principal.

C’est un album plein de clins d’œil aux aventures créées par Goscinny et Uderzo.

C’est d’ailleurs ce qui explique qu’il n’est pas rare qu’en Par Tutatis ! le personnage principal tombe – littéralement – dans l’univers d’Astérix. Dès lors, toutes les ressources qui caractérisent la série entrent en jeu : les patrouilles romaines, la potion magique, les personnages du village et les pirates. L’album combine un type d’humour clairement issu de la série classique – les jeux de mots, bien qu’ici ils soient délibérément plus crus – avec un style de bande dessinée beaucoup plus contemporain, typique de Trondheim – la violence, les mondes parallèles des jeux vidéo.

Le résultat est un album plein de clins d’œil aux aventures créées par Goscinny et Uderzo, clins d’œil que les amateurs découvriront au fur et à mesure de la lecture. Le résultat plaira aux lecteurs assidus d’Astérix s’ils acceptent de jouer le jeu de lire un épisode du Gaulois qui ne se contente pas de reprendre les canons habituels. En effet, Par Tutatis ! -traduit par Rubén Lardín- va au-delà du prévisible et présente un travail parodique, voire irrévérencieux, mais ingénieusement exécuté qui transmet l’affection pour la série originale. Ceux qui aborderont l’album avec cette ouverture d’esprit découvriront une aventure plus authentique, plus rafraîchissante et, surtout, plus drôle que bon nombre des albums officiels de la série publiés après la mort de Goscinny.

Ce n’est pas la première fois que Trondheim ose s’attaquer à un classique de la bande dessinée franco-belge. Il y a quelques années, Lapinot lui-même s’était transformé en Spirou dans l’épisode L’Accélérateur atomique, une histoire loufoque qui rendait hommage aux années où ce personnage était dessiné par André Franquin. Comme dans le cas de Par Tutatis ! L’Accélérateur atomique est aussi un album drôle et spirituel, écrit et dessiné sans copier les vieux modèles. Plus drôle que l’album « officiel » de Spirou qu’il signera plus tard, Panique dans l’Atlantique. Cela nous invite à penser que la meilleure façon de revisiter les classiques de la bande dessinée est de le faire en toute liberté et même avec un certain culot.

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L’album de Lewis Trondheim est publié alors que le titre du 40e album de la série régulière vient d’être annoncé, L’iris blancqui sortira en librairie le 26 octobre 2023. Il s’agira de la première aventure de l’irréductible Gaulois sur un scénario de Fabcaro – auteur de l’ouvrage multi-récompensé Zaï zaï zaï zaï zaï zaï– et avec des dessins, pour la sixième fois déjà, de Didier Conrad. L’iris blanc prendra ainsi le relais de Astérix sur les traces du griffonpublié en octobre 2021.