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Mon odyssée en Méditerranée Michel Giliberti : « La Tunisie. Attaque itinérante »

Michel Giliberti, petit-fils sicilien, est né en Tunisie de Menzel Bourguiba. Son père, un Français d’origine italienne, et lui-même, un Tunisien d’origine, ont dirigé le cinéma Olympia Menzel Bourguiba tout en conservant son poste à Arsenal. Sa mère, née en Corse, était femme au foyer. En remontant le temps, le grand-père de Michel Giliberti était le fils d’un pêcheur de corail sur l’île de Lampedusa avant de s’installer en Tunisie.


Aujourd’hui, Michel nous raconte son parcours et son nouveau livre « Tunisie, l’héritage d’une errance » paru aux éditions de Jacques Flament.

« Ayant fait beaucoup de travail photographique sur la Tunisie, j’avoue avoir souvent regretté de les voir confinés dans des lieux et de rendre fidèlement leurs noms. Je sais que ce travail est louable, voire nécessaire, mais pour moi, le petit Français né en Tunisie, l’enfant des tribunes qui n’était pas le sien, le voleur d’émotions au hasard du protectorat, c’était impossible, quand il est devenu peintre. et un photographe, pour suivre cette piste simple. Par nature, je me devais de témoigner de ce pays en y apportant la dimension du rêve qui nourrit toute réalité. Pour cette raison, j’ai dû mettre en valeur sa peau. Oui, la Tunisie a de la peau ; peau qui aime le soleil et l’eau, un parangon lisse et chaud sous les doigts de celui qui s’y rend. Il a fallu me l’adapter à la manière légale de l’imaginaire et, à deux ondulations de la mer terre, en villes de craie et de cris, parcourir l’espace sans nom et rencontrer ses habitants.

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Quand l’agonie d’un mur vous dévisage, quand une branche de bougainvillier têtue condamne une porte, que vous soyez à Tozeur ou Matmata, Douz ou Nefta. Le silence jaune pèse la chaleur du sud sur les épaules. Les gestes deviennent lourds et le cou enfle. La lumière est dure, même derrière des lunettes de soleil. L’air parchemin vous fait un câlin avec son odeur de sel et de paille. Puis on marche lentement, un peu gêné par les marches, mais en respectant la beauté minimaliste du lieu. Parfois, vous vieillissez et c’est le début d’un autre voyage.

L’essentiel ne dépend que de ces échanges.

Les tunisiens le savent bien que vous leur proposez de « créer l’ambiance » dès que vous les connaissez. Ils ont raison. Ces deux mots résument au mieux mes photos qui tentent de restituer l’âme de ce pays au fil des dépliants touristiques. C’est pourquoi, tout au long de ce livre, à travers mes impressions tunisiennes, la modernité côtoie la tradition, la jeunesse côtoie la vieillesse, les regards ne se tournent pas, les palais comme les marabouts se parent de mon interprétation.

Il faut bien l’avouer, depuis la nuit des temps, le rêve nous élève, le rêve nous élève. Il est le seul qui favorise plus rapidement le cœur des hommes et s’ils n’ont pas réussi à exprimer leurs désirs, leurs peurs et leurs prophéties, s’ils ne les avaient pas vidés, nous ne serions pas en sécurité. Aucune trace de notre histoire ne traverserait le monde. Notre capacité à nous transgresser est intimement liée à nos légendes et à nos vérités, à nos combats et à nos pauses, mais surtout à l’air qui se raréfie au fur et à mesure que l’amour arrive ; le mien, de ce côté-ci de la Méditerranée, de la rouille bleue du ciel au coucher du soleil, de la laine usée des tapis, du cuir nacarat des tapisseries et du parfum des narguilés au fond des patios. Je devrais également parler du musc lumineux pour un cou sombre et du parfum Mes-Ellil qui s’ouvre le soir; mais ici il faut savoir s’arrêter.

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Je pourrais écrire sans arrêt sur ce pays et mon désir de le servir en dehors des sentiers battus. C’est peut-être mon odyssée. Je dirais que mon enfance s’est déroulée dans un cinéma à Menzel Bourguiba, ma ville natale : Olympia. Mon père était responsable. J’ai donc été très vite pris par le pouvoir de l’image, ce lieu faisait partie de ma formation artistique. J’ai eu l’occasion de voir des choses que beaucoup d’enfants ne pouvaient qu’imaginer même des pièces de théâtre aux concerts donnés sur la scène du cinéma en passant devant les films eux-mêmes, tous témoins d’une vie extraordinaire. J’ai adoré la lumière dense de la salle qui était tapissée de velours cramoisi et pleine de scènes éthérées de Michelle Morgan, Danielle Darrieux, Ava Gardner et bien d’autres. J’ai été transportée par ces magnifiques photos du studio d’Harcourt, sans oublier les immenses affiches des longs métrages disponibles. Comme si cela ne suffisait pas, j’avais accès à un décor de coulisses avec décors et instruments de musique et aux vestiaires des artistes. J’assistais toujours avec joie aux répétitions de chaque spectacle ou concert; J’ai regardé, tristement, les acteurs se refaire une beauté en rappelant leurs textes à voix basse. Il y avait de l’intelligence, une fièvre rare, et bien sûr ces couches ne m’ont pas quitté. Ma curiosité a toujours été sollicitée et de toutes parts, une chance exceptionnelle dans une simple petite ville !

Pour tout cela, lorsque le film « Cinema Paradiso » de Giuseppe Tornatore est sorti à l’écran, j’ai pleuré de façon incontrôlable tant la jeunesse du petit héros de ce chef-d’œuvre était proche de moi.

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Après tout, ce n’est pas la seule réalité qui vaut la peine d’être vécue pour toujours mais celle que nous choisissons nous-mêmes ».

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