Il y a 40 ans, le 14 juin 1983, le tueur était condamné à la prison à vie pour le triple meurtre de sang-froid de trois caissières du supermarché Mammoth lors d’un braquage.
A trois jours de Noël, ce samedi 22 décembre à 13h, alors que les rayons du supermarché de Mammouth grouillent de clients, Sylvette Maurel, 27 ans, Josette Alcaraz, 27 ans, et Renée Chamayou, 28 ans, reçoivent une balle dans la nuque, dans le petit caveau. Personne n’a entendu parler de ce terrible crime.
Le hall est insonorisé pour éviter que les employés occupés à compter et à trier les billets ne soient distraits par la musique d’ambiance provenant du supermarché.
C’est une employée qui, à 13h40, découvre, dans un cri d’horreur, les corps de ses trois collègues caissiers plongés dans une mare de sang. Avertissez immédiatement la direction. Mais c’est trop tard. L’atrocité a été commise et 400 000 francs ont été volés. Le supermarché est encerclé par la police quelques minutes après cette macabre découverte.
Sommaire
La tragédie choque tout le pays
La nouvelle se répand dans la ville dans une vague de terreur. Très vite, les enquêteurs pensent à trois agresseurs alors même que les jeunes femmes ont été tuées par des balles de même calibre. Sur les lieux du crime, le coroner, le docteur Saury, constate que l’un d’eux a également été blessé à la main. Sans doute fit-il un vain geste de défense. Dans la main serrée de Renée, il y a aussi une touffe de cheveux, qui appartient certainement à l’un des agresseurs.
Les familles sont en deuil et la ville est sous le choc. Le drame bouleverse tout le pays et Midi Libre écrit dans un interrogatoire prémonitoire : « Faudra-t-il un jour appeler les vigiles pour surveiller les grands magasins ?
Un mois plus tard, il tue trois autres personnes à Carqueiranne
Quant aux enquêteurs, ils tentent de comprendre pourquoi l’impensable a été commis alors que l’argent était à portée de main dans les casiers. Un mois plus tard, le 18 janvier 1980, à Carqueiranne, un autre meurtre reliera le suspect à l’affaire. Ce matin-là, Sandrine Le Goff, 11 ans, a entendu son père se disputer avec quelqu’un. Il appelle sa mère au téléphone en disant : « Tommy tomate se dispute avec papa. Le voisin, Jacques Coutrix, inquiet d’entendre des cris, se rend chez lui. L’épouse, ne le voyant pas revenir, découvre son mari et sa fille au rez-de-chaussée, et son père, Gilles Le Goff, au sous-sol.
Tous trois ont reçu une balle dans la tête. Au vu des dernières paroles de la jeune fille, les enquêteurs comprennent qu’il s’agit de Tommy Recco, un commercial corse exerçant à Marseille, qui a déjà purgé 17 ans de prison pour meurtre à Propriano en 1960, et qui a des liens avec le père de famille tué.
Condamné à mort en 1962
Avant Béziers, Tommy Recco avait déjà tué une fois. Il avait fusillé et massacré Giuseppe Casabianca, un pêcheur de Propriano qui était aussi son parrain, après l’avoir surpris en train de pêcher à la dynamite. C’est Pierre, son frère, qui l’a dénoncé (il a lui-même été assassiné en 1976). Recco est condamné à mort en 1962. Mais le général de Gaulle, lors d’une grâce présidentielle, commue sa peine en réclusion à perpétuité. Au final, il ne purgera que 17 ans de prison. Il est libre en 1977 mais interdit de retour en Corse. Trouvez un emploi chez un vendeur d’équipement de plongée. Deux ans après sa libération, il tue à nouveau au Mammouth de Béziers.
Il a été arrêté le lendemain et a immédiatement reconnu avoir tiré d’abord sur son père, puis sur les deux autres « pour ne laisser aucun témoin ».
« Il avait un réflexe de passeur, il ne voulait pas laisser de témoins vivants de son crime », explique Alain Lhote, son avocat. Les victimes de Carcairanne étaient exécutées de la même manière que celles de Béziers ; avec un 357 Magnum. En mai, un retraité qui avait vu son portrait dans tous les journaux se rend au commissariat et affirme avoir vu Tommy Recco au Mammouth de Béziers six mois avant le meurtre des caissières.
Tommy Recco nie. Il n’est jamais allé à Béziers. Cependant, il y est allé et pas qu’une seule fois. « Il livrait du matériel de plongée pour une entreprise de Marseille, notamment au supermarché de Béziers. Il avait apporté une combinaison de plongée à un employé six mois plus tôt. Il sympathisait avec le personnel. C’est un personnage sympathique et très jovial », raconte son avocat. . En témoigne un cliché glaçant ajouté au dossier où, huit jours après le massacre de Béziers, le soir du Nouvel An, on le voit avec un chapeau pointu sur la tête, soufflant, hilare, en langue de belle-mère.
La malédiction de la tortue
Le père de Tommy Recco aurait tué une tortue marine géante échouée sur la plage de Propriano, contre l’avis des habitants, en lui coupant la tête. Il viderait ensuite la coquille et l’utiliserait comme berceau. Tommy Recco serait bercé dans sa coquille tout comme ses dix autres frères et sœurs. La légende raconte qu’une malédiction est tombée sur la famille à partir de là. Un premier frère est mort en bas âge. Ernest, un autre de ses frères, a été tué par son beau-frère en 1973, suivi de Pierre tué trois ans plus tard par deux hommes cagoulés. Francine est morte en tombant accidentellement d’une échelle. Et puis il y a Tommy…
Un butin jamais retrouvé
La réconciliation balistique finira par confondre le tueur et signera sa culpabilité. Tommy Recco est arrivé le 22 décembre 1979 pour livrer une boîte dans laquelle il avait rangé de vieux vêtements. Il doit le faire passer par une trappe qui donne sur la salle de comptage, mais il ne passe pas. Il sait. Alors l’un des caissiers qui le reconnaît lui ouvre la porte en toute confiance. Les deux autres caissiers reviennent déposer le ticket de caisse du jour. L’adorable Tommy devient Recco le tueur. Il abat les trois de sang-froid et vole 400 000 francs. Butin jamais retrouvé.
Après un procès surréaliste, il est condamné à la réclusion à perpétuité le 14 juin 1983. Aujourd’hui Recco purge sa peine à la prison de Borgo, en Corse et est, à 89 ans, le plus vieux détenu de France. . Ses vingt-deux demandes de libération n’ont jamais abouti. Paul-Louis Recco, son fils unique, avait confié il y a deux ans que son père « ferait encore des bêtises s’il sortait » car il n’avait qu’une idée en tête : « se venger ».
« Le procès surréaliste » d’un homme double
« À mort ! » crie la foule, le jour où Tommy Recco se présente devant le juge Chevalier à Béziers qui doit l’inculper. « Nous avons dû notre salut à l’intervention du chauffeur de maître Lombard (ndlr : l’un des avocats de l’assassin), qui nous a sortis de la foule », rappelle maître Alain Lhote, son avocat, pour qui cette affaire reste le point d’orgue de sa carrière. Il raconte qu’en entrant dans le bureau du juge Chevalier, Recco s’est exclamé : « mais c’est Versailles », avant d’entamer un dialogue surréaliste. « »Je suis 100% innocent. Je suis comme le Christ ». A quoi le juge a répondu qu’il avait été jugé et condamné. Et mon client lui a dit : « Mais voulez-vous répéter le procès du Christ ? »
Mais le plus frappant reste le « processus extrêmement tendu. Nous, avocats, avions aussi droit à la protection policière ». Avant d’entrer dans la salle d’audience de la cour d’assises de Draguignan, le premier jour, il a lancé à Maître Lhote : « Je vais chauffer la salle ». Celui qu’on surnomme aussi Geronimo, en raison de ses longs cheveux cultivés en prison, « était entré sur le banc des accusés comme un taureau dans une arène. Il était arrivé en costume-cravate et avec un sac plastique dans lequel il avait récupéré ses papiers. Il a répété : « Je suis 100 % innocent. Je suis innocent comme le Christ. C’était surréaliste. »
Le procédé met au jour un monstre rusé, un double personnage.
L’accusé oscille entre dérision morbide et attitude chrétienne. Enroué pour clamer son innocence, debout, menaçant, yeux bleus démoniaques. Son comportement arrogant exaspère magistrats, jurés et parties civiles. Le gendre d’Henriette Alcaraz, la mère de Josette, finit par lui lancer une chaussure.
Ce qui a également marqué ce procès, c’est la mère de l’accusé. Cette veuve corse tout de noir vêtue « d’une présence enceinte » avait lancé : « les agneaux sont en prison, les loups sont libres » et hurlait, le jour du verdict aux parties civiles : « Je vous maudis ». Elle mourut d’une crise cardiaque quelque temps après : elle était allée à Lourdes mendier le miracle de la délivrance de son fils.
Recco a été condamné à la prison à vie le 14 juin 1983 pour le triple meurtre de caissiers. « L’avocat général qui l’avait sollicitée avait regretté l’abolition de la peine de mort deux ans plus tôt. »
Détenu à la prison de Borgo, le tueur de sang-froid est patriarche à 89 ans. Il deviendrait chef de la chorale de la prison et serait un ardent partisan des (fausses ?) tentatives de rédemption auxquelles les familles des victimes ne sont pas intéressées. Pour eux, Recco, le plus vieux prisonnier de France, n’est qu’un vieux canaille.