La campagne des thoniers-senneurs professionnels a repris jeudi 26 mai aux Baléares.
Le précieux thon rouge de Méditerranée fait toujours envie. Surtout à ceux qui se sentent bridés par les quotas imposés au milieu des années 2000 quand l’espèce était menacée par la surpêche. Aujourd’hui, les scientifiques veulent plus rassurants, le thunnus thynnus repeuple les mers, même si une nouvelle évaluation des stocks est prévue cette année par l’ICCAT (commission internationale pour la conservation des thonidés), combinant des données écologiques et économiques.
Ce jeudi 26 mai, les professionnels ont lancé leur campagne dans les eaux des Baléares et de Malte, soit 22 thoniers-senneurs de Méditerranée qui, à eux seuls, d’ici le 1er juillet, peuvent capter 89% des 6 000 tonnes de quotas attribuées à la France, sur 36 000 tonnes pour le monde, avec leurs immenses filets.
Quelque 10% sont imputables à l’Atlantique et 1% aux réinitialisations. Et cette minorité lève le doigt estimant que les miettes du gâteau sont largement insuffisantes et doivent être réévaluées.
« Concurrence déloyale »
Sur les quais de Palavas (Hérault), Baptist Canville propose ses daurades et autres rougets à la vente. Ce « petit métier », pêcheur artisanal, souhaiterait bien proposer des longues de thon rouge à ses clients. Il n’en a pas le droit, faute d’AEP (Autorisation exceptionnelle de pêche), la licence qui le lui permet. Il a pourtant un bateau conforme, il est pêcheur professionnel, mais n’était pas là quand les AEP ont été distribués voilà quelques années.
« Je fais la demande depuis quinze ans sans succès » regrette celui qui est aussi prud’homme du secteur. « La ressource a reprise, les prix sont stabilisés et le pêcheur au petit métier, qui fonctionne sur la polyvalence n’y a pas droit car il n’y a que ceux qui ont l’antériorité qui le peuvent ». Ils sont plusieurs dizaines dans ce cas sur le littoral à eux aussi s’offrir une respiration économique sur une espèce très prisée des consommateurs.
Car par effet de ricochet, leurs collègues qui ont l’autorisation, peuvent aussi jouer à la baisse sur les prix des autres poissons. « C’est de la concurrence déloyale » estime Baptiste Canville qui n’a envoyé pas porter le combat en justice. Certains l’ont pourtant fait et ont gagné.
La deuxième grande catégorie qui se sent lésée par la répartition actuelle, ce sont les milliers de pratiquants de la pêche loisir. « Sans arrêt, les jeunes nous demandent quand est-ce que l’on va faire débloquer les quotas, depuis 2020, plus rien n’évolue, nous n’avons que 1% du quota national à partager » indie l’Héraultaise Simone Falce, secret général français de la FFPM (Fédération française des pêcheurs en mer). « Dans tous les clubs, il y a une augmentation des adhérents mais le nombre de bagues lui non plus n’augmentent pas ».
Constitution d’une confédération
Les bagues, au nombre limité, permettent d’assurer un suivi précis : à chaque prise, le thon est bagué, et son poids supprimé au quota total, jusqu’à ce qu’il atteigne zéro. En Occitanie par exemple, la FFPM possède 2120 bagues et 19 tonnes à pêcher. Mais un calcul rapide montre que si chaque bague est honorée, l’amateur s’en sort avec 10 kg en moyenne, ou seuls les thons d’au moins 30 kilos sont autorisés à la capture. Conséquence : la région écoule trois fois moins que son nombre de bagues. Sans compter qu’il y a 3 500 demandes…
« Le thon c’est mythique, c’est le seul qui combat, on peut y passer trois, quatre heures, si tout le monde pouvait entendre raison pour que l’on ai une bague par bateau » Simone Falce poursuit. Qui l’annonce : « Cette année, nous constituons une confédération avec les fédérations de pêche pour avoir une seule parole auprès du ministère ».
Pour autant, la pêche sportive à quand même 8000 AEP et ses pratiquants peuvent aussi pratiquer le « no kill »: pêcher et relâcher le poisson. Et les thoniers senneurs tiennent aussi à sauver leur profession, eux qui sont passés de 32 à 22 armements entre 2008 et 2022.
« Si on remet en cause les quotas des senneurs, on perd plus d’emplois que l’on en crée » avertit Bertrand Wendling, directeur général de la SaThoAn, coopérative qui regroupe une majorité des thoniers de Méditerranée. « Nous ne sommes pas opposés à des discussions, mais c’est au niveau national que cela se décide ».