UNlors que Zarzis vit au rythme du drame dans lequel ont péri plusieurs migrants tunisiens au cours d’une traversée irrégulière vers l’Italie, la Tunisie est de nouveau secouée par l’information selon laquelle une fillette est arrivée seule sur les côtes italiennes. En effet, chaque jour c’est vers les rivages écrasés de lumière des côtes italiennes que de nouveaux harragas tunisiens pointent les proues de leurs barques dans l’espoir ténu de répliquer l’eldorado européen. Si plus de 27 mille migrants ont été empêchés de rejoindre l’Italie, près de 600 personnes sont mortes dans les eaux inondées de la Méditerranée. Face à un destin inconnu en Tunisie, les rescapés, plus de 13 mille, le teint buriné par les longues heures passées en haute mer, ont pu mettre pied sur la terre ferme.
Ce n’est pas la première tragédie de cet ordre qui se produit à Zarzis, à Mahdia, à Sfax ou ailleurs. En effet, les statistiques sur les départs des Tunisiens à l’étranger ou sur les intentions d’émigration des autres sont à couper le souffle. Hormis les milliers de jeunes qui prennent le large sur des embarquements de fortune et dont la mer nous rejettent les corps jour, le taux de suicide pour ceux qui n’ont pas eu la force de quitter le pays frôle des seuils alarmants. D’autres produits, au désespoir, se jettent dans les bras des terroristes et meurent dans des atentats perpétrés en Tunisie ou dans des zones de troubles. C’est la pauvreté et la précarité qui les ont poussés à augmenter leur vie pour gagner l’autre rive. De ce fait, migrer n’est pas un choix pour ces personnes. Il faut s’attaquer aux causes de ces drames et ne pas oublier non plus les réseaux de passeurs et de traite humaine qui sont présents sur les rives nord et sud.
Car quand un État s’abîme dans l’impuissance, la faillite économique, la corruption, la discrimination sociale, le chômage et la pauvreté, la patrie déclin, le Tunisien ne grandit pas, il s’engouffre. En effet, c’est dans ce contexte de morosité ambiante que celui-ci déchante et perd l’espoir d’envisager l’avenir dans son pays. Aujourd’hui, ce ne sont plus des cômeurs qui consomment les barques de la mort, mais des employés et des familles entières qui consomment le large vers les côtes italiennes.