Naturaliste, biologiste, plongeur et photographe, l’Héraultais Laurent Ballesta est le grand témoin des éco-dialogues du Festival de Thau. Il sera à Mèze ce jeudi 21 juillet dans le cadre d’une soirée Terre Océan.
Vous êtes invité au Festival de Thau où vous présenterez votre livre « Planète Méditerranée » et participerez à une conférence-projection à 20h30. Aurez-vous un message particulier à délivrer ?
Je vais parler de mes expéditions en tentant toujours de faire un lien entre le très local et le très farintain, de mettre sur un même pied d’égalité la biodiversité de l’étang de Thau comme celle de l’Antarctique et de la Polynésie, les observations à un mètre de profondeur à Mèze et celles à 120 m de fond sur la Côte d’Azur. Avec toujours cette volonté de montrer la nature sous-marine tout en faisant des piqûres de rappel sur les menaces.
Mon métier c’est quand même de mettre en valeur et en lumière une biodiversité intéressante, des écosystèmes préservés plus que de lancer des cris d’alarme sur tout ce qu’on fait subir à la Méditerranée. Il n’y a franchement pas besoin de quelqu’un de plus. Il y a encore des choses merveilleuses mais la presse parle rarement de la découverte de nouvelles espèces par les scientifiques ou d’un écosystème dont on ignore tout. Il est important de montrer que tout n’est pas mort, que la Méditerranée est bien vivante et source de surprises.
Vos photos et vos films rendent compte de la beauté de la vie sous-marine. Vous êtes plus un passeur qu’un lanceur d’alerte alors ?
Un lanceur d’alerte, cela me paraîtrait démagogue par rapport à ceux qui y consacrent leur vie et qui sont en prison pour ça. Passeur, cela renvoyé à des voyageurs insatiables ou des journalistes en manque de sujets qui se sentent obligés d’aller au bout du monde pour témoigner. Pour moi, c’est un vrai bonheur et un plaisir fou à essayer de faire de vraies découvertes et je dois partager ces moments. C’est mon métier de naturaliste de décrire et d’expliquer la nature. Cela aide à la connaissance et si ça peut aider à la conservation et à la sensibilisation, tant mieux. Cousteau l’avait dit en 1972 qu’il fallait montrer la beauté du monde pour le faire aimer. Cela a un petit peu marché mais sur un bien vu les limites de l’exercice. La biodiversité n’a jamais été en aussi mauvais état.
Est-ce que vous allez parler de la lagune de Thau ?
Bien sur. Quand j’étais gamin et même après et pendant les deux années de confinement, j’y ai beaucoup plongé. C’est une incroyable lagune et ce qu’il s’y passe est unique par rapport aux autres étangs littoraux du département.
La biodiversité subit des attaques mais en même temps elle s’enrichit d’une manière qui peut parfois paraître préoccupante car il y a énormément d’espèces exotiques qui sont arrivées là par le biais des ostréiculteurs et des mytiliculteurs. En important des huîtres, on importe aussi pleins de larves.
On a vu des espèces qui n’étaient pas répertoriées dans l’étang de Thau appareir, parfois proliferer, puis elles se tempérent voire disparaissent. C’est un milieu en évolution permanente. Il y a trente ans, quand je plongeais, il n’y avait pas de grandes nacres, cette espèce de moule géante plantée dans le sédiment. Aujourd’hui, il y en a des milliers. Il y a deux ans, un virus a exterminé presque toutes les grandes nacres de Méditerranée française sauf dans l’étang de Thau où elles ont eu un taux de survie bien supérieur à la mer comme si elles y aaviant trouvé un refuge.
Au programme ce jeudi 21 juillet
A 18h, Carré d’art Louis-Jeanjean au Chai de Girard, vernissage de l’exposition et dédicace du livre « Planète Méditerranée » . Ils rendent compte de l’expédition inédite menée en Méditerranée en juillet 2019, où Laurent Ballesta et trois autres plongeurs sont restés confinés dans une station bathyale pendant 28 jours pour explorer les profondeurs du littoral méditerranéen jusqu’à 120 m de profondeur. Une première mondiale. Jusqu’au 4 août. Du mardi au dimanche de 16h à 19h, jeudi et dimanche de 10h à 13h. Fermé le lundi.
A 20h30, au port de Mèze, « Expéditions Gombessa », conférence-projection avec Laurent Ballesta. Co-créateur de la société Andromède Océanologie en 2000, l’Héraultais a mené de multiples expéditions de grande amplitude au cours des 10 dernières années. Ses Expéditions Gombessa repose sur trois valeurs emblématiques : un mystère scientifique, un défi de plongée et la promesse d’images inédites
Un prix exceptionnel
Laurent Ballesta a remporté le Grand Title Award du Wild Photographer of the Year 2021 décerné par le Natural History Museum de Londres. Le photographe et biologiste a été récompensé pour une image de mérous en couplage sélectionné parmi 50 000 candidatures. C’est le premier Français à remporter cette distinction.
Quelle sera votre prochaine expédition ?
Je pars dimanche au Cap Corse pour des plongées très profondes sur un site très particulier où l’on trouve des couronnes parfaitement circulaires de 20 m de diamètre. Il y en a plus d’un millier dont la formation et l’origine restent encore mystérieuses. Nous avons commencé ce projet l’été dernier et nous continuerons l’été prochain pour essayer de comprendre ce phénomène et de bien l’expliquer.
Quels sont les liens entre le climat et l’océan ?
Ils sont très étroits. Tout ce qu’on dérègle sur terre, l’océan essaie de le tempérer et de l’amoindrir. Jusqu’à une certaine mesure qu’on a d’ailleurs dépassée puisque’au final, on assiste à un dérèglement climatique. Nous n’avons pas encore bien intégré à quel point l’océan est notre salut pour réguler le climat et maintenir quelque chose de supportable. C’est notre garde-fou. A plus petite échelle, on peut faire une comparaison entre la mer Méditerranée et son influence sur le bassin de Thau qui est colossale. Pour le préservaire, il faut une Méditerranée en bonne santé.