Aller au contenu
Accueil » Actualité » La sélection BD de The Independent : deux groupes de rock ratés, de la bouffe et une halte à Cerbère

La sélection BD de The Independent : deux groupes de rock ratés, de la bouffe et une halte à Cerbère

Dans la boutique BD de l’Indépendant cette semaine un manga et trois romans graphiques.
Terukan Boys raconte comment trois amis d’enfance, tentés par une carrière dans le monde du rock, se sont séparés et se sont retrouvés pour tenter un braquage de 30 millions de yens.
Rock qui ne connaît pas de frontières. Dans Le Ferry, les trentenaires évoquent leur groupe et le désir de gloire du bassiste, parti en Angleterre.
On dit que le sucre est l’une des drogues les plus puissantes de la planète. C’est l’une des leçons du dessin animé Junk Food d’Émilie Gleason et Arthur Croque.
Enfin vers la frontière, à Cerbère, dans une belle bande dessinée de Thomas Azuelos.

Terukan Boys : du rock au vol

Ils ont trois ans, trente ans et beaucoup de regrets. Satoshi, Ryôhei et Kôta sont amis depuis le collège. Au lycée, ils ont formé Terukan Boys, un groupe de rock éphémère. Une fois devenus adultes, ils ont abandonné leurs rêves. L’un, bientôt père, a repris l’atelier d’usinage de son père, un autre est devenu pousseur de papier dans une compagnie d’assurances. Seul Kôta tente encore de percer. Mais sans grand succès.

« Terukan Boys » de Yû Nakahara, Bamboo Doki Doki, 7,50 €
Bambou

Comme chaque année, ils se donnent rendez-vous pour une soirée festive et arrosée et font le point sur leur existence. Ce n’est pas toujours très optimiste, tout le monde déplorant le temps insouciant où tout ce qui comptait était de répéter les chansons qu’ils joueraient sur les scènes indépendantes de leur petite ville. Mais pour une fois, les Terukan Boys songent enfin à faire fortune. Pas en chantant, mais en volant un ancien élève victime de chantage.

Cette histoire complète de 200 pages a des airs de film de Tarantino. Avec des extraits de Spielberg pour les souvenirs de lycée. Imaginé par un trio d’amis qui ont signé Yû Nakahara, ce manga est avant tout une belle histoire d’espoir, de rédemption et de renaissance.
« Terukan Boys » de Yû Nakahara, Bamboo Doki Doki, 7,50 €

Le ferry entre le Nord et l’Angleterre

Encore une histoire rock au Ferry. Plus de rêves de lycée. Mais loin du Japon, plus près de l’Angleterre, la terre promise de ces petits Français qui ne jurent que par le punk. À la fin des années 1970, l’émergence des Sex Pistols et des Clash a transformé la vie de quatre camarades de lycée. C’est la musique qu’ils aiment, celle qu’ils aspirent à jouer devant des foules en délire. Un petit groupe, de grandes ambitions et puis la réalité prend le dessus. La routine, le quotidien, la vie sociale anéantissent l’avenir radieux.

« Le Ferry » de Xavier Bétaucourt et Thierry Bouüaert, Delcourt Mirages, 17,50 €

« Le Ferry » de Xavier Bétaucourt et Thierry Bouüaert, Delcourt Mirages, 17,50 €
Delcourt

Le scénario de Xavier Bétaucourt est savamment construit entre souvenirs et rencontre avec le présent entre nostalgie et espoir. Sur les quatre membres du groupe, seuls trois se retrouvent à l’hôpital au chevet de Rose. Ils essaient de comprendre pourquoi Max, le bassiste n’est pas présent. Max était parti en Angleterre quelques mois plus tôt, bien décidé à vivre de sa musique malgré l’abandon de ses amis. Max, le père de la petite fille de Rose.

Une discussion animée sur les traitements (Rose a accouché par césarienne), l’allaitement et la dégustation de cacahuètes sur fond de musique rock. Certains font des excuses à Max, d’autres ne comprennent pas cette fuite. Et de refaire l’histoire en 100 pages dessinées par Thierry Bouüaert avec un dessin faussement sale mais très recherché, déjà vu dans Fluide Glacial et auteur complet du Style Catherine chez Bamboo.

Une superbe histoire d’amitié à la fin, doublée d’une histoire d’amour à la fin plus positive que les tubes punk de l’époque.
« Le Ferry » de Xavier Bétaucourt et Thierry Bouüaert, Delcourt Mirages, 17,50 €

Junk Food, manger pour se détruire

Phénomène rarement pris en compte dans les statistiques de santé, 5 à 10% de la population pourrait souffrir d’addiction alimentaire. Une maladie appelée Junk Food qui toucherait 25% des personnes obèses. Dans l’image populaire, les drogues se limiteraient au cannabis, à la cocaïne et à d’autres produits de synthèse. Parfois on oublie l’alcool ou le tabac. Toujours de la nourriture. Cependant, les phénomènes d’addiction et de sevrage au sevrage sont exactement les mêmes.

Deux jeunes auteurs, sensibles à ce problème, ont longuement enquêté, recueillant des témoignages de patients en voie de guérison et résumant le tout dans cette BD facile à lire malgré la gravité du sujet. Émilie Gleason facilite les choses avec son dessin très caricatural, moderne et psychédélique. Dans le scénario, Arthur Croque met en avant ses qualités de journaliste pour donner de la voix et diffuser.

« Junk Food » d'Émilie Gleason et Arthur Croque, Casterman, 21 €

« Junk Food » d’Émilie Gleason et Arthur Croque, Casterman, 21 €
Casterman

Le fil rouge de l’histoire est la rencontre entre Zazou, une jeune femme souffrant d’anorexie et de boulimie, et Bambi, une jolie motarde qui a résolu le même problème en assistant à des réunions de Food Addicts, l’équivalent « food » des alcooliques anonymes.

C’est en écoutant les autres puis en se confiant à des personnes bienveillantes que Zazou se rend compte de la difficulté d’arrêter ce comportement suicidaire. Car en plus de l’isolement social (on refuse de manger en public, on reste enfermé chez soi à se gaver en s’isolant du monde réel), cette maladie est très dangereuse pour la santé physique et mentale.

Parmi les composants qui rendent accro, le sucre et le gras. On apprend ainsi que les produits qui créent le plus d’addiction sont, dans l’ordre, le chocolat, les glaces, les frites et la pizza. Un livre témoignage à recommander à toute personne pensant souffrir d’un trouble du comportement alimentaire.
« Junk Food » d’Émilie Gleason et Arthur Croque, Casterman, 21 €

beauté limite

Parmi les nombreux romans graphiques sortis plus tôt cette année, Tout la beauté du monde de Thomas Azuélos se distingue par son dessin épuré et son récit universel de la lutte entre la beauté et la guerre. 180 pages d’une rare intensité qui se déroulent entièrement à Cerbère dans les Pyrénées Orientales, une ville frontalière si évocatrice.
Peu de temps après la Retirada, alors que le trafic ferroviaire est toujours à l’arrêt, la ville tente de survivre au chaos. Les « femmes oranges », ces femmes dont le métier est de transborder les oranges, espèrent que le travail reviendra.

En attendant, ils doivent se contenter de vider des charrettes pleines de fruits pourris. Parmi ces travailleurs, Montse. Belle, impertinente, libre et engagée, elle aide en secret certains républicains réfugiés en France et persuadés que la défaite n’est pas définitive. Montse, la muse platonicienne de José de Villalobos, peintre officiel du Grand Hôtel.

Cet établissement de luxe, abandonné depuis quelques années, est directement inspiré de l’Hôtel du Belvédère, paquebot immobile de la ville de Cerbère. L’auteur dessine ses balcons, façades et autres grandes salles à manger ou salles de cinéma telles qu’elles sont encore aujourd’hui : grandioses mais désertes.

« Toute la beauté du monde » de Thomas Azuelos, Futuropolis, 25€

« Toute la beauté du monde » de Thomas Azuelos, Futuropolis, 25€
Ville future

Dans cette histoire on rencontre aussi un exilé catalan, excellent cuisinier et pêcheur occasionnel, un trio d’anarchistes et d’espions russes. Ces derniers recherchent Walter Bermann, un philosophe en fuite. Il a écrit un livre que Staline convoite. Le dirigeant communiste est convaincu que ce texte lui permettra de consolider son pouvoir à travers le monde. On reconnaît aisément Walter Benjamin dans le portrait de ce philosophe très affaibli par la maladie.

En croisant fiction et réalité historique, dans des lieux imaginaires ou existants, Thomas Azuelos parvient à réunir dans les mêmes pages grandes et petites histoires, histoires d’amour et de guerre. Avec le désir constant de montrer comment la beauté sous toutes ses formes (peinture, architecture, cuisine, etc.) peut embellir la vie, la rendre supportable malgré son cortège de folie et de mort.
« Toute la beauté du monde » de Thomas Azuelos, Futuropolis, 25€

À lire également  Agriculture - Portrait de Louis Massot, 95 ans, pionnier du circuit court en Roussillon

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *