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Enfin, une rampe bien placée | Du tireur à la ville | Culture

C’est une histoire simple qui se termine par une fête avec la bienheureuse Francinaina Cirer, le personnage le plus célèbre de Sencelles, connue sous le nom de Sa tía Xiroia, penchée hors de sa toute nouvelle tour de guet. En réalité, la statue n’a pas vraiment changé de place, mais elle semble l’avoir fait car la place à ses pieds l’a fait.

Dans ce village majorquin d’environ 3 000 habitants, tout ce qui est important est à proximité. L’église est à côté de la mairie, la mairie à côté de l’arrêt de bus et de la poste. Et en face se trouve le Café Ca’n Paris. Ce qui s’est passé, jusqu’à récemment, c’est que ce rassemblement de lieux importants ne faisait pas une place. Les voitures l’avaient transformé de lieu de rencontre en lieu de passage. Plus personne ne restait dans la rue à cet endroit. C’est pourquoi le conseil municipal s’est demandé si les voitures ne prenaient pas le pouls des voisins et a organisé un concours. Les soupçons du conseil ont été corroborés par les consultations des citoyens : pour que les gens sortent dans la rue, les voitures devaient les quitter. Pour que les gens restent dans la rue, il faut qu’il soit facile d’y accéder, possible d’y rester et confortable d’y rester. Voyons ce que les architectes de Moneo Brook pour y parvenir.

Vue générale de la nouvelle place avec l’église en arrière-plan.Michael Moran

Tout d’abord, ils ont pensé à tout le monde. Tout le monde : les enfants, les personnes âgées, les personnes à mobilité réduite, les jeunes, les touristes et même les fidèles venus rendre hommage au Bienheureux. Tout le monde devait pouvoir s’y rendre, ce que l’on appelle l’accessibilité universelle. Érigée sur un piédestal, l’église paroissiale de San Pere se trouvait sur la place, mais en retrait de celle-ci, sur une terrasse où l’on accédait par un grand escalier. Cette dénivellation marque l’origine du village, dans la partie supérieure, et son élargissement dans la partie inférieure, et il fallait l’aplanir pour les relier.

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Aujourd’hui, la place est un lieu d’intégration. Une rampe, qui sont des marches, relie les niveaux. Elle est là quand on en a besoin et disparaît quand on ne l’utilise pas. Comment ? Par un jeu d’optique. De nombreux architectes protestent car, lorsqu’ils ont déjà dessiné une façade, ils se rendent compte que le règlement exige une rampe d’accès avec une certaine pente qui « gâche les bâtiments ». Peu de gens pensent à ces questions nécessaires avant de concevoir. Belén Moneo, Jeff Brook et leur équipe l’ont fait. Et ils ont transformé la rampe en gradins. La même chaussée rejoint maintenant ce qui était des bordures, des trottoirs et de l’asphalte il y a peu de temps. Et il couronne l’ascension en transformant les escaliers en chemin.

Détail de l'ingénieuse rampe-grada.
Détail de l’ingénieuse rampe-grada.Michael Moran

La rampe est intégrée et dissimulée dans un gradin en pierre qui fait face aux pergolas, offre des sièges et constitue un coin de jeu du type dont Aldo Van Eyck a parlé. La différence de hauteur entre les sections de la rampe est de 55 cm, c’est pourquoi il n’y a pas besoin de main courante et qu’elle disparaît, grâce à l’effort de conception que les architectes ont fait pour que les éléments soient bien imbriqués les uns dans les autres.

Ainsi, les piétons, les cyclistes et ceux qui s’assoient pour se reposer partagent désormais le même espace, qui est devenu un lieu de rencontres quotidiennes et d’organisation de marchés, de théâtre ou de fêtes à la fin de la semaine. C’est la fête à la fin de cette histoire. Pourquoi les citoyens restent-ils ? Parce qu’ils ressentent l’endroit comme étant le leur. Ce sont les pergolas, l’olivier centenaire et la nouvelle ombre des plantes grimpantes qui font baisser la température en été. La place a été renaturalisée. Mais les céramiques sur les bancs parlent aussi de reconquête. Et de l’artisanat et de la culture locale. Sur les bancs en béton, des pétales de tuiles hydrauliques majorquines colorées parlent de la culture locale. Il y a aussi des chaises, c’est-à-dire des échelles pour que chaque coin soit différent.

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Deux femmes sous le plafond voûté en céramique.
Deux femmes sous la pergola de la voûte en céramique.MICHAEL MORAN

Les architectes parlent de production locale et de caractère majorquin. Ils font référence à ces céramiques, mais aussi au filtrage de la lumière obtenu par les pergolas de voûtes en céramique dont la texture et la couleur terreuse s’harmonisent avec les bâtiments environnants. « La céramique est un matériau traditionnel, local et noble, qui ne nécessite en outre aucun entretien. C’est un matériau qui respire, qui dissipe la chaleur et qui s’identifie à la mer Méditerranée », explique Belén Moneo. Les matériaux indigènes de la région, ainsi que les systèmes de construction traditionnels, sont faciles à exécuter et nécessitent un entretien minimal.

Il en va de même pour l’eau. Les pavés permettent à l’eau de pénétrer dans le sous-sol de sorte qu’elle réduit la chaleur de surface et facilite l’arrosage des jardinières. Ainsi, en économisant l’eau, un microclimat est généré. C’est la fête sur cette place, tous les jours et pour tous.

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