La mer est leur quotidien, ce qu’est la neige en haute montagne : indispensable. A presque 80 ans, Claude Castejon est venu de son Marocain natal à Port-Vendres, en mer à 18 ans. Il n’est jamais parti. Un pêcheur, un marin, un plongeur, un pompier, un culturiste, un marin défenseur, est un témoin de l’histoire. Il nous livre son regard sur la Méditerranée.
Comment voyez-vous la pêche aujourd’hui ?
C’était miraculeux jusque dans les années 1980. Nous étions artisans, échangeant la pêche au chalut et au lamparo, nous mettions automatiquement en place des arrêts biologiques. Les pêcheurs espagnols ont utilisé cette méthode bien avant nous. Permettez à ces deux ou trois mois de soulagement de renouveler vos ressources. Puis vinrent les flottes des bateaux-usines, pêchant tout, jour et nuit, avec des filets surdimensionnés. C’est un manque de respect, une attaque que nous payons aujourd’hui ! Ils ont tué la mer, les mers et même s’il est un peu tard, nos dirigeants doivent prendre des décisions radicales. Le seul avenir de la pêche aujourd’hui, ce sont les petits métiers, il faut les encourager.
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Que pensez-vous des zones de protection, de la Réserve, du Parc marin ?
Dès le début des années 1970 avec les maires de la côte vermeille, nous avons été les premiers à essayer de protéger et de mettre en place des zones de conservation, avec les moyens du bord. Nous étions des pionniers et nous avons bien fait. Lors de mes plongées, j’ai vu la vie marine revenir, les mérous, murènes, sras et contremaîtres ont été les premiers à remodeler cette zone.
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Comment voyez-vous le changement climatique ?
On ne peut que s’inquiéter ! Les espèces exotiques envahissantes sont des signes, dans le passé les grandes nacres de la côte vermeille à l’Espagne ont disparu. Les ancres ont également participé à cette perturbation environnementale. Si nous n’agissons pas, tout disparaîtra.
Que pensez-vous des éoliennes flottantes en mer ?
Si nécessaire, les pêcheurs doivent être consultés. Il y avait 150 chalutiers entre Cerbère et Port-la Nouvelle, il n’en reste plus que quelques-uns aujourd’hui, il faut limiter les zones avec eux !
Comment voyez-vous les drames des migrants en mer ?
C’est une évolution du désespoir ! Tant qu’il y aura des passeurs, ça ne s’arrêtera pas, il faut agir sur le terrain pour éviter ces drames, ce qui me met en retrait.
Enfin, que pensez-vous (bientôt) 60 ans plus tard, du retour de l’Algérie à Port-Vendres ?
En 1962, ils étaient garés dans des guitares à Tamarins, une chambre qui se trouvait dans la mairie où ces gens s’entassaient. Certains sont morts de froid et de chagrin. On a essayé de les mettre à l’aise, mais l’accueil n’était pas juste, même si c’était avec les jeunes, c’était plus facile. Ils ont été rejetés. Je pense que l’Etat français aurait pu être mieux organisé, il y avait une gare à Port-Vendres qui pouvait être utilisée. Je n’oublierai jamais ces moments tristes et ces regards désespérés. Ils étaient comme ces pauvres immigrants fuyant la guerre et la misère. L’histoire se répète…