Lorsque l’ancien président Donald Trump a crié dans un message en lettres capitales sur son réseau, Truth Social, il y a deux jours, que le véritable commandant en chef des États-Unis, Joe Biden, avait proposé d’abattre le dirigeable chinois qui survolait l’Amérique du Nord depuis le samedi précédent.
Nous connaissons maintenant la version officielle de la raison pour laquelle le président n’a finalement pas donné l’ordre mercredi : le haut commandement militaire a déconseillé l’opération à ce moment-là, alors que l’avion se trouvait à une altitude de plus de 18 000 mètres, en raison du risque que la dispersion des débris sur une zone d’un rayon allant jusqu’à 11 kilomètres représentait pour les personnes au sol : à ce moment-là, jusqu’à 2 000 citoyens auraient pu être en danger dans l’État du Montana, selon le Pentagone. Il serait donc préférable d’attendre que l’engin suive sa trajectoire nord-ouest-sud-est et atteigne l’océan Atlantique pour que l’armée de l’air puisse ensuite l’abattre et que les plongeurs de l’armée puissent récupérer l’épave, comme ils ont commencé à le faire après l’abattage.
Il sera plus difficile de savoir si les Chinois ont voulu espionner ou s’ils ont voulu provoquer Washington et gâcher la visite de Blinken.
Entre-temps, le ministère de la Défense avait déployé, selon ses hauts responsables, les « mesures nécessaires » pour protéger de l’espionnage aérien les installations susceptibles de fournir des informations aux Chinois, notamment la base aérienne de Malmstrom, dans le Montana, où se trouve l’un des trois silos de missiles nucléaires américains. Ces mesures de protection pourraient inclure le brouillage des éventuels signaux captés et envoyés par le ballon, voire le téléchargement des données et logiciels que l’appareil pourrait contenir.
Samedi, alors que le dirigeable se trouvait à six miles nautiques (11 kilomètres) au large des côtes de la Caroline du Sud, un seul missile AIM 9X sidewinder tiré depuis un avion de chasse F-22 Raptor basé en Virginie a fait exploser le dirigeable à 14 h 39. Les débris ont atterri dans une eau de seulement 15 mètres de profondeur.
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Qu’espèrent trouver les spécialistes des agences de renseignement à qui la Marine remettra les pièces ? En gros, le Pentagone espère découvrir les systèmes d’imagerie et de communication – c’est-à-dire d’espionnage – contenus dans la capsule de surveillance et de transmission de données du convertible : une pièce qui, selon les militaires, est tombée dans l’eau intacte et qu’ils espèrent récupérer. Les spécialistes appliqueront ce que l’on appelle les techniques d’ingénierie inverse ou de rétro-ingénierie pour tenter de démêler le fonctionnement de l’appareil et la façon dont il a été fabriqué.
Mais, selon les experts du renseignement, les espoirs de récupérer des logiciels et des données intéressants, ainsi que de trouver des secrets importants dans les entrailles du ballon, sont limités. D’autant plus que les ballons espions, pour autant que l’on sache, ne récupèrent rien qui ne soit pas récupéré par un satellite.
Le ballon à air chaud abattu avait un diamètre d’environ 27 mètres, alors que les ballons météorologiques ne font généralement pas plus de 6 mètres de diamètre.
Ce qui est essentiel, c’est plutôt le matériel de l’engin, son système lui-même. Parce que son examen « permettra de vérifier si les Chinois ont utilisé des dispositifs de surveillance et d’écoute, des signaux de communication ; des appareils de renseignement », a-t-il expliqué hier à Sky News L’universitaire et chercheur en défense Michael Clark. Ainsi, le Pentagone « sera en mesure de prouver clairement qu’il ne s’agissait pas d’un ballon météorologique », comme Pékin l’a prétendu lorsque l’engin a été découvert et que le gouvernement de Xi Jinping a dû reconnaître qu’il était le sien. Et là, les espoirs sont raisonnables, puisqu’un ballon météo fait jusqu’à 6 mètres de long, alors que celui-ci faisait environ 27 mètres.
Il sera plus difficile, voire impossible, de savoir pourquoi le ballon a envahi l’espace aérien canadien et américain : s’il s’agissait d’un accident, comme le prétend Pékin, ou si la Chine cherchait réellement à obtenir des informations militaires, ou encore si elle voulait provoquer Washington et faire échouer la visite de détente pertinente que le secrétaire d’État Antony Blinken devait effectuer ce week-end et qu’il a en fait annulée. Ou parce qu’elle voulait répondre aux derniers développements américains en Asie, comme le récent accord entre Washington et les Philippines qui donnera à l’armée américaine l’accès à quatre bases dans l’archipel, en plus des cinq qu’elle utilise déjà,
On ne savait pas non plus hier ce qu’il était advenu du second ballon espion présumé aperçu au Costa Rica et en Colombie, avec dans ce dernier cas la confirmation par l’armée de l’air du pays de la détection et du suivi, jusqu’à sa sortie de l’espace aérien colombien, d’un aérostat « similaire » à celui abattu par les États-Unis.
Le ballon chinois est tombé, du moins l’un d’entre eux. Mais ses mystères restent dans l’air. Ou sous l’eau.