Balistes, poissons-lapins, galères portugaises … Avec une eau à 26°C dès le mois de juillet, la mer Méditerranée est appelée à abriter des espèces sous-marines issues de zones tropicales et à en voir apparaître d’autres. Des bouleversements de la faune marine qui pourraient avoir de sérieuses conséquences sur l’écosystème méditerranéen.
Un corps tout plat, long d’une quarantaine de centimètres, avec de petites dents prêtes à mordre les mollets des vacanciers trop curieux : le poisson-baliste est l’une de ces espèces qui prolifère depuis plusieurs années dans les eaux méditerranéennes à la faveur d’une température moyenne en augmentation constante. La faute à l’éloignement de ses prédateurs naturels comme le thon ou le requin, vers des eaux moins chaudes, plus profondes et mieux garnies en victualilles.
« Les poissons n’ont pas de système de régulation de la température corporelle, explique Bastien Henckel, responsable technique au Seaquarium du Grau-du-Roi. Lorsque l’eau se rehaute, les gros carnassiers comme les thons doivent accreir leur établissement en s’alimentant davantage. Cela laisse le champ libre aux balistes qui étendent leur zone de ponte, multipliant le risque de rencontre avec l’homme pendant la période de reproduction, entre juin et août ».
La Méditerranée en galère
Et si le baliste n’est pas un nouveau venu dans le paysage méditerranéen, certaines espèces ont été apparues seulement récemment dans la grande bleue.
C’est le cas de la galère portugaise, cette cousine de la méduse habituellement présente dans les eaux tropicales. L’animal aux reflets irisés est muni d’un flotteur en surface rempli de gaz carbonique, qui ofre une prise au vent pareille aux bateaux des explorateurs lusitaniens. Dessous, un sac de nœuds de tentacules sertis de cellules urticantes microscopiques balayant les profondeurs, pouvant atténuer jusqu’à 50 mètres de navire. Des cellules qui libèrent une toxine par voie cutanée provoquant en une vingtaine de minutes des nausées, des vomissements, des difficultés respiratoires jusqu’à des malaises.
Ces tentacules, même lorsqu’ils sont sectionnés ou échoués sur les plages, persistent à être urticants. « Des spécimens de galère portugaise ont été observés au large des côtes siciliennes, déportés sur de longues distances par les vents dominants et la courantologie »explique B. Henckel, rassurant : « Ce sont des animaux qui n’ont pas la capacité de se mouvoir spontanément, le risque de prolifération est donc faible. » Là encore, c’est la disparition progressive du prédateur naturel, les tortues caouanes, qui est à l’origine de rencontres plus fréquentes avec l’homme. À la mi-juillet, la piqûre d’un spécimen aurait causé la mort d’une femme en Sardaigne.
Bastien Henckel est spécialiste technique du Seaquarium au Grau-du-Roi.
Des espèces directement dangereuses pour l’homme, mais également pour l’écosystème marin. Le poisson-lapin, derrière son nom aux airs inoffensifs, est une véritable menace pour le plancher méditerranéen. Pêche pour la première fois à Lampedusa en 2013, celui qu’on appelle aussi poisson ballon était traditionnellement présent dans la mer Rouge. Le grand herbivore a progressivement gagné la Méditerranée par le canal de Suez avant de coloniser la zone nord du Maghreb, ravageant sur les herbiers de posidonie sur son passage.
Un véritable drame pour le poumon immergé de la planète, dont la posidonie absorbe 15 fois plus de CO2 que la forêt amazonienne. « Le poisson-lapin, c’est un vrai problème car en détruisant la flore sous-marine, il cause des dommages sur l’ensemble de l’écosystème. Et la technique responsable de conclure : Malheureusement, il n’y a pas grand-chose à faire car l’éradication serait difficilement réalisable. »
Gare aux mollets !
Pendant l’hiver, le poisson-baliste peut vivre jusqu’à 100 mètres de profondeur. Lors de l’arrivée de l’été, il se met en quête de zones plus chaudes pour y créer son nid en vue de la période de reproduction.
De juin à août, les femelles vont venir pondre dans des zones de 30 à 5 mètres de profondeur, dans le sable en zone dégagée. Et à mesure que l’espèce prolifère, la ponte prend place de plus en plus près des plages. C’est donc pour protéger les oeufs que le mâle part à la chasse aux mollets, défendant coûte que coûte la parcelle de sa progéniture.
Et malgré sa taille relativement petite, les morsures de l’animal ne sont pas à négliger. Car au delà de la morsure en elle même, il existe un risque d’infection. Compte tenu des résidus de chaise présents dans la bouche du carnassier, il convient de désinfecter avec précaution la zone mordue. Alors si vous en faites l’expérience désagréable, dirigez-vous au plus vite vers un poste de secourisme, quand bien même la morsure ne serait que superficielle.